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mardi 6 octobre 2020

2020 2021 nouvelle approche : "des gens dans la ville"

Depuis le début de l'année 2021 j'ai choisi de passer plus de temps avec quelques personnes parmi les très nombreuses qui mendient dans les rues. Je me suis attachée à ceux et celles qui montrent une forme belle que j'essaye de rendre avec leurs photographies et mon écriture. C'est parfois visuel parfois spirituel. 

 

26 mars 2022 : Jérémy de Pigalle a repris ses installations 

Jérémy est réapparu après des mois d'absence, pour prison me dit-il. Je lui propose de lancer le tome 2 de ses installations de rue. Il me dit que ça lui fait plaisir de me revoir.


7 février 2022 : photographié par JACQUES de Saint-Michel

Les conversations avec Jacques sont toujours riches. À plus de 50 ans sa mémoire est excellente et il a une curiosité intacte. Je voulais savoir ce que représentait "le temps" pour lui. Il a réfléchi avant de répondre : "le temps dépends de mon humeur. Si je suis joyeux il est léger, quand je suis sombre il est lourd, pesant et interminable". Il a vécu deux temporalités très distinctes. Enfant il courait partout, intenable.  À 14 ans il vivait à cent à l'heure, jusqu’à à un accident grave de scooter qui le cloue 10 mois à l'hôpital. Pour éviter l'ennui une visiteuse lui propose de lui apporter des livres. C'est la révélation : "Le Comte de Monte-Cristo", "Les 4 mousquetaires"... À sa sortie d'hôpital son père lui a collé une gifle magistrale (la seule) en le sommant de s'assagir. Il suivra une formation manuelle sans succès.

Depuis il voue un culte aux livres et à la création en général. "Avec un livre pas d'ennui!". Vous le reconnaitrez facilement, coté droit du bvd Saint Michel en montant, assis entre le Panthéon et la Sorbonne comme il aime à dire, penché sur un bouquin.

 

 28 novembre 2020 : photographié par Théo de Mantes 

Depuis 2016 Théo déplace des caddie-wagons d'objets récupérés. Il a bien vieilli depuis notre dernière rencontre et je comprends qu'il est régulièrement embêté pour ses installations. Il a hésité avant de faire cette photographie car il a peur qu'on le repère. Je lui ai prêté mon appareil hybride à objectifs interchangeables. Il s'en est saisi avec naturel révélant un passé de photographe.

 

 15 novembre 2021 : Pascal d'Odessa

Rien de ce que je veux faire n'intérresse Pascal. La seule chose qu'il veut c'est que je le prenne en photo. Tant pis pour mon protocole d'action (NE JAMAIS PHOTOGRAPHIER LES VISAGES). C'est vrai qu'il est bien plus souriant en photo !

                                                    2017 09 25

 

Photographiée par DIANA de la Trinité, le 2 septembre 2021

 Et vice versa


le 3 juin 2021 matin

 

Depuis 2016 j'avais remarqué à quel point Diana soigne son aspect visuel. Elle est la seule que je connaisse à faire cela.

                                 8 septembre 2017

 

  8 novembre 2016


 

 

 Le cadeau, photographie de Jérémy de Pigalle, le 17 mai 2021


Jérémy,  ça fait des années qu'il est installé sur le place Pigalle. Plusieurs fois par semaine il invente une nouvelle sébile et j'en photographie une partie depuis notre première rencontre de janvier. On a parlé de ce travail qui occupe un temps certain dans sa vie : arpenter, détecter, imaginer, assembler, recommencer. Il est souvent dans l'ironie donc j'ai du mal à savoir ce qu'il pense de nos rencontres. Mais ce jour là il avait un cadeau pour moi que je lui ai demandé de photographier avant de me le donner : une petite montgolfière multicolore trouvée dans la rue. "Elle m'a fait penser à toi!"  m'a t'il dit. " À quoi de moi?" ai-je demandé. " À ton esprit libre comme du vent !".

Sur mon vélo j'en suis resté coi.

                                            2021 02 11
                                            2021 03 08
                                            2021 03 25
                                            2021 04 19
                                            2021 05 05
                                            2021 05 06
                                            2021 05 12
                                            2021 05 17
                                            2021 05 21
                                        2021 05 26
                                        2021 05 29
Au fur et à mesure que je lui parle de la dimension artistique de ce travail j'ai le sentiment de partager avec lui la singularité de sa démarche.
Pour notre prochaine rencontre il m'a demandé de lui faire un book-photo. On s'est mis d'accord sur un objet taille A5, plastifié, ma tête en couverture et un texte au-dos. Il va étudier un système de reliure qui lui permette d'ajouter des planches au fur et à mesure que j'en fabrique.










 

 

Photographié par DIANA de la Trinité, 10 mai 2021 à 12h
 
Deuxième séance de travail sur le portrait en photographie. Cette fois ci la prise de vue est effectuée avec un Kodak Pixpro WP72.
C'est un petit compact 35mm de poche très solide qui fonctionne bien dans la rue. Il a un coté ludique rassurant.

On a parlé du cadre, de la lumière, de la mise au point. Les réglages sont automatiques : vitesse 330 / ISO 100 / Ouverture 3.5.

J'ai conservé un tirage signé par Diana.

 

 

 

 

 27 janvier 2021 : photographié par JÉRÉMY de Pigalle

 


Jérémy est sur la place depuis au moins 4 ans. Attiré par cette installation de bureau de la sébile, c'est la première fois que je l'ai abordé pour lui parler de mon projet. Après qu'il ait pris la photographie je lui ai dit que je reviendrais lui apporter un tirage numéroté. Il m'a proposé de participer aux frais d'impressions. Je me suis demandé s'il me charriait. Il m'a laissé son numéro de téléphone pour que je le retrouve au cas ou il déménagerait.

Plus tard je me suis rendu compte qu'il était visible sur le cliché, mais non reconnaissable. Par la grâce de ce miroir abimé cette photographie reste bien dans le cadre de mon protocole.

Par ailleurs il change d'installation au fil des saisons, des fêtes ou de ses désirs. Début février il avait arrangé son espace ainsi :



 
17 janvier 2021 : photographié par IRWIN de la Rose-Croix

 

La première fois que j'ai croisé Irwin, près de Beaubourg, il était allongé sur un sac de couchage dans une encoignure de librairie et dessinait des petites formes au crayon noir sur un cahier. J'aurai bien aimé regarder ce cahier mais Irwin préférait ne pas. Croyant le rassurer sur mes capacités à voir les images je lui ai dit que j'avais étudié aux Beaux-Arts et que je dirigeai un centre artistique municipal. Depuis j'ai encore moins pu voir ses dessins. 

Irwin est anglo-saxon. Je ne sais vraiment pas comment il me perçoit mais lui me reçoit toujours avec une grande politesse.

 

 28 novembre 2020 : photographié par JACQUES de Saint Michel

Notre première rencontre date du 4 décembre 2017 puis on s'est revu deux fois en 2018. Jacques est toujours en train de lire. Il aime ça mais c'est aussi sa façon de ne pas importuner le passant. Juste après avoir fait cette photographie Jacques est resté figé. J'ai un instant craint de l'avoir mis mal. Après un long silence il m'a longuement parlé du club-photo qu'il avait fréquenté vers 20 ans pendant une dizaine d'année. C'était à l'époque de l'argentique et c'était avant qu'il se retrouve dans la rue. Il en garde un souvenir ému, son sujet préféré étant l'affût dans les bois pour faire de la photographie animalière. Depuis il a vendu tout son matériel pour faire face aux dépenses d'une vie sans revenu.

 

08 novembre 2020 : photographié par PETER de la République 

Je rencontre Peter pour la première fois. D'origine hongroise, il parle anglais et moi pas. Je lui explique comme je peux mon projet. Il comprend très vite, saisit mon appareil et me photographie sous trois angles. J'ai le sentiment d'un jeune homme à l'intelligence affûtée et créative. On se donne rendez-vous la semaine prochaine pour que je lui remette un tirage numéroté avec l'adresse du blog. Ça va être facile parce qu'il m'a expliqué rester à la même place pour quelques temps encore. 

Je le retrouve ce lundi 23 novembre je lui dépose un tirage 21 x 23, numéroté 1/30, signé, avec l'adresse de ce blog. Je lui dis que j'aime beaucoup l'angle de vue qu'il a choisi et la simplicité avec laquelle il est entré dans ce projet. Il m'apprend qu'il aime photographier et qu'il publie parfois des photos sur son compte Facebook.

J'aime beaucoup l'angle qu'il a choisi. Je trouve ma posture trop molle par rapport au dynamisme qu'il dégage. Il faut que je prenne plus de temps pour observer les personnes avant de m'installer.

 

 24 octobre 2020 : photographié par DIANA de la TRINITÉ

On s'est rencontré une douzaine de fois en 6 ans. La dernière fois c'était en 2017 (voir blog : Onglet 2017 / 10ème récit). 

Depuis elle est toujours à la même place avec la même sébile mais juste deux jours par semaine car elle a trouvé un travail partiel.

Elle se demandait ce que j'étais devenu depuis tout ce temps. Je lui ai dit que je me lançais dans une nouvelle série du projet SÉBILE. Je lui explique ma nouvelle approche en lui demandant son avis. Elle a accepté d'y participer avec enthousiasme et même une grande hilarité. Elle veut absolument que je lui apporte un tirage de cette photo et que je la prévienne si j'arrive à les exposer au ministère de la culture comme en 2013. Cette fois-ci elle tient à y aller.

 


23 octobre 2020 : photographié par GÉRARD DE SAINT LAZARE

Gérard est assis presque tous les matins face à la gare Saint Lazare. Il arrive très tôt et reste une partie de la matinée. Il récupère les oboles dans sa main.

À notre première rencontre Gérard m'avait promis de me faire un dessin de la tour Eiffel mais n'a jamais pu le finir. Finalement je lui en ai fait un.

Un jeune homme nous a photographiés ensemble alors que je lui apportais le dessin. Fin 2019 je lui ai apporté un tirage de cette photo. Sans le savoir c'était le jour de sa fête. Je me souviens d'un moment d'émotions partagées.

Ce matin d'octobre 2020 je lui ai expliqué que je voulais commencer une deuxième saison du projet SÉBILE avec une nouvelle approche. C'est avec une grande joie qu'il a accepté d'être le premier à y participer.

 

                                                           Le dessin remit le  05 octobre 2019

 

 
27 septembre 2020 : L'HOMME DU  RER, Paris la Chapelle, sans parole

Je l'ai rencontré en 2012 (voir le blog : Onglet 2014 / 4ème récit) puis en 2016. Il a toujours eu des sébiles simplissimes, mouchoir en papier ou barquette.

Cet après midi de 2020 je passe dans le couloir du RER et il est là.

Je m'accroupis et comme je me souviens qu'il ne parle pas de façon intelligible je montre mon appareil en disant "photo ?". Il me reconnait aussitôt, éclate de rire, me fais signe de la faire. On se salue en tapant nos poings et on se marre tous les deux de ces retrouvailles.

De ce rire partagé est né l'envie de reprendre les rencontres avec une nouvelle approche.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Bravo fred! C est important pour eux ce travail de mémoire, même si aujourd hui, ils préféreraient une petite pièce, un verre... maus un mot, une photo aussi ca fait du bien...